Déclaration sur les propositions de la Commission européenne visant à garantir l’autosuffisance en matières critiques dans le cadre des transitions verte et numérique (Proposition du règlement européenne sur les matières premières critiques)
Cette déclaration a été produite par la plus grande ONG de Finlande focalisant sur l’exploration et l’exploitation minières, la plus grande ONG de Laponie finlandaise monitorant l’exploration et l’exploitation minières, la plus grande ONG de Finlande sur les poissons migrateurs, l’association touristique la plus importante de Laponie finlandaise, d’autres groupes et des spécialistes individuels de domaines connexes. Les recommandations et les annexes de la déclaration sont en finnois.
ONG et autres organisations signataires:
Rajat Lapin kaivoksille (Association Limites aux Mines en Laponie)
Kansalaisten kaivosvaltuuskunta – MiningWatch Finland
Villilohi ry (Association pour le Salmon Sauvage)
Conseil du tourisme de Laponie finlandaise
Muonion paliskunta (Association des éleveurs de renne de Muonio)
Association Pro Ylläs
Äkäslompolon kyläyhdistys (Äkäslompolo Village Association)
Association Pro Kuusamo
Association Ylitornion-Pellon Luonto (Ylitornio-Pello Nature)
Association Sompion Luonnonystävät ( Amis de nature Sompio)
Groupe Pelastetaan Kolin maisemat (Sauvons les paysages de Koli)
Groupe Ei kaivosta Pyhä-Luoston alueelle (Pas de Mine sur Pyhä-Luosto)
Association Pelastetaan Päijänne (Sauvons Päijänne)
Signataires individuels :
Satu Jaatinen, MSc Econ., Elue locale et départementale, experte des marchés financiers, fondatrice de l’association Pelastetaan Päijänne
Tarja Richard, PhD, Directrice et Autorité de gestion des Fonds structurels de l’UE, Marseille
Peter Brandt, MSc Tech., entrepreneur, expert en structures de stockage étanche des déchets
Helvi Heinonen-Tanski, PhD Agriculture et foresterie, Maître de conférences de l’ Université de Finlande orientale
Leif Ramm-Schmidt, MSc Chemical Engineering, entrepreneur, expert en traitement exigeant des eaux usées industrielles
Niina Helistö, Géomètre, ancienne superviseure du processus minier, fondatrice de l’association Rajat Lapin kaivoksille (Limites aux mines en Laponie)
Mika Merkku, éleveur de rennes, président de l’association Rajat Lapin kaivoksille
Miisa Mink, MSc. Econ., entrepreneur, fondatrice et présidente de l’association Saimaa ilman kaivoksia (Lac Saimaa sans Mines)
Marjo-Riina Alhainen, conseillère en produits naturels, cofondatrice de l’association Saimaa ilman kaivoksia
Marianne Juntunen, PhD Biochimie, MSc Tech
Jari Natunen, PhD Biochimie, expert spécial à l’Association finlandaise pour la conservation de la nature, président de MiningWatch Finland
Nous estimons qu’une législation européenne unifiée est nécessaire pour guider l’industrie minière et celle de production des batteries des voitures, mais que la mise en œuvre durable des transitions verte et numérique devrait être au cœur de ses préoccupations.
Lors de la création d’une instance transnationale qui coordonnerait la question au niveau de l’UE, il faut considérer qu’il reste encore beaucoup à faire au niveau national. Par exemple, les directives de l’UE qui traitent des industries minières et de fabrication de batteries n’ont pas encore été pleinement transposées à la législation nationale.
Pour n’en citer qu’un, la législation finlandaise n’a non plus encore été harmonisée avec la directive 2006/21/CE sur les déchets d’extraction de l’UE. Selon la directive, les déchets miniers ne doivent pas polluer les cours d’eau ou les nappes phréatiques, même après une longue période suivant l’exploitation.
La Finlande diffère de la plupart des autres pays européens en ce que l’eau souterraine pure se trouve partout et que le pays est couvert par un réseau de centaines de milliers de lacs et de rivières. Les lacs couvrent 1/10 de notre superficie et 87 % d’entre eux sont en bon ou excellent état. La réussite de beaucoup de secteurs économiques tels que le tourisme, l’industrie agroalimentaire, la pêche et l’élevage de rennes, dépend largement de l’état non-polluée de la nature de la Finlande (voir plus dans l’annexe 1).
Les voies navigables et les eaux souterraines de la Finlande sont particulièrement fragiles : elles sont peu profondes et les substances nocives se décomposent lentement dans le froid. Dans le même temps, le socle rocheux finlandais a une faible teneur en minéraux par rapport aux pays miniers traditionnels. Cela conduit à de très grandes mines à ciel ouvert nécessitant beaucoup plus de produits chimiques et créant d’énormes quantités de déchets miniers. Les mines finlandaises actuelles produisent déjà plus de 70 % de tous les déchets finlandais et plus de 90 % de tous les déchets dangereux du pays.
Il serait donc extrêmement préoccupant que des projets stratégiques soient autorisés à contourner les exigences des directives-cadre sur la nature, sur l’eau ou sur les déchets d’extraction. Il ne peut être accepté que la prévention du changement climatique ou l’extraction de matières premières critiques conduirait à la pollution des cours d’eau. Les mines mal construites peuvent contaminer des cours d’eau entiers et des nappes phréatiques. Les conditions opérationnelles de l’industrie finlandaise du tourisme et celles de l’exportation des produits de l’industrie alimentaire, ainsi que la pureté de la nature de la Finlande en soi, ne doivent pas être mis en danger.
En outre, nous tenons à souligner qu’il n’est actuellement pas possible en Finlande d’accélérer la procédure d’autorisation d’excavation pour qu’elle dure seulement 24 mois au maximum. Même avec les longs délais actuels de traitement des permis en Finlande, il existe de graves lacunes dans les procédures législatives d’autorisation. Ces failles ont déjà entraîné plusieurs conséquences catastrophiques tant pour l’environnement que pour les finances de l’État. Plusieurs décisions judiciaires de retrait de permis ont également été prises. (Voir plus dans l’annexe 2).
Les délais de traitement des permis et des procédures d’AIE (analyse d’impact environnemental) actuellement longs en Finlande s’expliquent par le fait que les rapports sont préparés par des consultants pour le compte des compagnies industrielles, et il est courant que ces rapports soient incomplets ou contiennent des informations incorrectes.
De plus, il existe des lacunes dans la réglementation nationale et dans les instructions formelles fournies par les autorités, ainsi que dans leurs ressources disponibles, incluant l’expertise scientifique. La coopération entre les autorités et les entreprises qui demandent des autorisations présente un risque averé des conflits d’intérêt.
Le processus de l’obtention du permis social d’exploitation des industries minières et de fabrication de batteries devrait s’améliorer. Par exemple, il n’y a pas de procédures établies pour une véritable prise de compte des avis des citoyens ou des entreprises locaux qui sont soumis aux conséquences de la procédure d’autorisation, ni ceux du peuple autochtone Sami. Ce lacune, combiné à des dossiers souvent incomplets, a déjà conduit à un grand nombre de plaintes à différents niveaux du système judiciaire national finlandais.
La qualité de la construction des mines en Finlande est médiocre, du fait que la conformité au système des Eurocodes de construction n’est pas requise. Les effets écologiques combinés des projets d’exploitation minière et ceux produisant des batteries restent insuffisamment étudiés.
Il convient également de souligner que :
Les industries de l’exploitation minière, du traitement du minerai et de la fabrication de batteries en Finlande sont principalement détenues par des étrangers, souvent de l’extérieur de l’UE. Cela ne permet pas forcément de renforcer l’autosuffisance recherchée par l’UE. Par exemple, l’usine de batteries de voiture prévue à Hamina appartient à 60 % à des Chinois. Les problèmes susmentionnés se sont également produits dans la procédure d’autorisation de ce projet.
Pour que la transition soit véritablement durable, le financement et les investissements dans les innovations vitales pour la véritable durabilité doivent être encouragés. Ils doivent couvrir avant tout la technologie de protection de l’environnement, l’utilisation des flux secondaires de déchets miniers, le recyclage et la réutilisation, et les substituts aux métaux des batteries. De même, les financements et les investissements qui soutiennent les technologies obsolètes doivent être évités.
Un pays de l’UE qui produit des minerais ou des technologies nécessaires à la transition devrait se voir garantir une compensation juste et raisonnable pour les bénéfices qu’il produit, et cela concerne également la compensation pour les risques qui en résultent.
A notre avis, les pays qui génèrent des avantages significatifs pour la transition devraient être suffisamment représentés au sein de l’instance transnationale proposée par la Commission européenne qui superviserait les évaluations du projet Critical Raw Materials. Cette instance devrait également comprendre des représentants d’organisations non gouvernementales.
Annexes (en finnois) :
Annexe 1 : Pureté de la nature et des moyens de subsistance en Finlande.
Annexe 2 : Explication de la durée du processus de permis minier et des risques associés.